Simone Weil et la beauté de la grâce
Dans cet article, j’aimerais partager avec vous une de mes plus belles lectures philosophiques de l’année 2021. Il s’agit de La pesanteur et la grâce, de Simone Weil. C’est un recueil de courts aphorismes segmentés en chapitres qui traitent de différents thèmes comme la foi, l’amour, la beauté et l’identité.
Avec un style d’écriture parfois déconcertant mais toujours simple, Weill nous livre sa pensée sur la manière de vivre et de traverser la souffrance inhérente à la vie terrestre. La forme stylistique utilisée est parfaitement en adéquation avec le thème principal de ce livre. Le style d’écriture ne cherche pas à convaincre par l’argumentation rationnelle (ce qui serait de la pesanteur) mais nous invite à nous mettre dans un état contemplatif. La grande idée de son livre et qu’il y a deux grandes forces à l’œuvre dans la vie terrestre. La première est la pesanteur, qui régit les lois de la physique (le fonctionnement scientifique du monde), ainsi que les comportements naturels des humains. En opposition, la grâce est une force dont le fonctionnement échappe aux lois de la pesanteur. Par une vie méditative et contemplative, il est possible de transcender notre condition d’être humain et de traverser avec un cœur paisible les différentes difficultés que nous pouvons rencontrer dans notre vie. Les idées de Weil dans ce livre ne sont pas toujours faciles à entendre : elles demandent un dépouillement de l’égo et l’acceptation de beaucoup de souffrances que nous cherchons naturellement à fuir. Malgré cela, la lecture de ce livre m’a permis d’entrevoir des idées d’une grande beauté et de traverser une pensée à mi-chemin entre la philosophie et l’expérience mystique.
Je vous laisse pour terminer un extrait du chapitre sur L’intelligence et la grâce dans lequel Weil articule notre fonctionnement rationnel (soumis à la pesanteur) et notre besoin de spiritualité (régi par la grâce). On y retrouve la beauté d’écriture de Weil et le traitement d’un des thèmes majeurs de ce livre qui est la spiritualité. Plutôt que de chercher à concilier des problématiques métaphysiques avec les données rationnelles issues de la science, Weil nous invite à vivre ces questionnements avec un état d’esprit différent pour mieux en appréhender la beauté :
« Quand on écoute du Bach ou une mélodie grégorienne, toutes les facultés de l’âme se tendent et se taisent, pour appréhender cette chose parfaitement belle, chacune à sa façon. L’intelligence, entre autres : elle n’y trouve rien à affirmer et à nier, mais elle s’en nourrit.
La foi ne doit-elle pas être une adhésion de cette espèce ?
On dégrade les mystères de la foi en en faisant un objet d’affirmation ou de négation, alors qu’ils doivent être un objet de contemplation »