La 5G arrive
On n’arrête pas le progrès ?
La 5G arrive en France ! Elle suscite bien des débats passionnants, mais également passionnés, au point parfois de perdre un peu pieds... ou rationalité. La question est très souvent abordée sous un angle purement scientifique, quitte à passer à côté du sujet.
Logo officiel de la 5G
Qu’est-ce que la 5G ?
Avant de se lancer tête baissée dans un débat, revenons d’abord à la définition. “5G” signifie la 5ème Génération pour la technologie de télécommunication mobile. C’est-à-dire que la 5G concerne pas le réseau fixe, mais bien le réseau mobile sans fil. Concrètement, comment marche un réseau mobile ? Les données (appels, SMS, vidéos, etc...) se transmettent sur certaines fréquences, et cela grâce à des antennes disséminées sur le territoire, qui font le relai entre deux appareils. Pour résumer, la 5G n’est qu’un moyen technologique pour transmettre des données d’un point A à un point B. Par le passé, l’arrivée d’une nouvelle Génération de réseau mobile a fait émerger des nouvelles technologies et de nouveaux usages. Par exemple, l’appel à distance sans fil a été possible grâce à l’arrivée de la 1G, et permet d’être joignables hors de notre domicile. Par la suite, la 2G a permis la création du si pratique SMS, et la 3G a offert la désormais indispensable connexion Internet à nos smartphones, permettant d’envoyer nos photos, et maintenant nos videos en haute définition avec la 4G. Ces technologies sans fil ont également été largement étudiées, et en l’état actuel de la science, l’OMS indique qu’en ce qui concerne la 5G, “aucune conséquence pour la santé publique n’est prévue [si] l’exposition globale reste en dessous des recommandations internationales” [2020]. Cette 5G qui arrive va multiplier le débit par 10, et réduire le temps de latence jusqu’à 1ms. Elle va permettre l’amélioration de la connectivité entre les IoT (Internet of Things). Pour résumer, les données vont se transmettre encore plus rapidement, surtout entre objets connectés. Ce qu’il faut comprendre, c’est que la plupart des usages qui vont être créés ne vont pas seulement profiter à votre smartphone. En réalité, la 5G va surtout impacter les entreprises, qui utilisent les IoT. Avec la 5G, d’autres nouvelles technologies vont émerger, et l’impact serait tel que l’on évoque même la 4ème révolution industrielle !
Pour ou contre la 5G ? Vraiment ?
Le débat autour de la 5G est malheureusement devenu binaire : “êtes-vous pour ou contre la 5G ?”. Cela a d’ailleurs été manifeste lorsque le président Macron a opposé, le 14 septembre dernier, d’un côté les progressistes adeptes de toute innovation, et de l’autre les Amish rejetant toute nouveauté technologique. Alors quelle attitude adopter ? Les progressistes représentent une première attitude face à une nouveauté technologique : la reconnaître d’emblée comme bonne. Inspirés de la philosophie des Lumières, ils croient que tout progrès technique entraîne un progrès pour l’humanité. En effet, si on regarde le passé, les nouveautés technologiques ont été un progrès pour nous : que ferions-nous aujourd’hui sans l’invention de l’électricité et de la voiture ? De même, la 5G engendrerait des progrès pour nous, comme la télémédecine ou les voitures autonomes ! Certains, au contraire, considèrent d’emblée la nouvelle technologie comme mauvaise. Effectivement, comment ne pas penser aux conséquences dramatiques de la bombe nucléaire, ou aux effets négatifs de la pollution ? De même, la 5G pourrait avoir des conséquences néfastes : il faudrait d’abord prouver l’utilité de cette technologie avant de l’utiliser. Mais une autre attitude est possible : considérer la 5G comme un moyen. Ainsi, la 5G serait neutre, et ce sont les usages que nous en ferions qui seraient soit bons, soit mauvais. C’est la réflexion développée par Gorgias dans l’œuvre éponyme de Platon : “Ce n’est point l’art [...] qui est méchant, c’est, à mon avis, ceux qui en abusent.”. Par exemple, d’un côté, la multiplication des objets connectés rendue possible par la 5G peut être très énergivore, mais de l’autre, l’énergie peut être économisée grâce à des bâtiments intelligents adaptant le chauffage à la température extérieure. A nous de décider ce que nous créerons avec la 5G !
Une réflexion sur notre nature humaine
Nous serions donc libres d’orienter la 5G vers ce qui nous semble être un progrès pour les hommes. Mais sommes-nous réellement libres lorsque nous manipulons une nouvelle technologie ? Ne dit-on pas souvent : “On n’arrête pas le progrès !”, comme si nous étions incapables de maîtriser la technologie ? Le philosophe J. Ellul désigne cela comme le Système Technicien (1977) : autonome, non maîtrisable, qui poursuit sa propre fin d’efficacité. Il estime même que l’illusion de contrôle est illusoire, car l’homme moderne, croyant la technique omnipotente pour réaliser tous ses désirs, renoncerait lui-même à la maîtriser [Le Bluff technologique, chap. III]. Après avoir interrogé notre liberté, la 5G questionne également notre nature humaine. Dans son essai Petite poucette (2012), M. Serres émet l’hypothèse que le développement croissant des technologies numériques provoque une mutation anthropologique, notamment sur la mémoire. En effet, puisque la 4G permet actuellement d’accéder au savoir mondial, nous avons moins besoin de solliciter notre mémoire que nos ancêtres. La 5G pourrait amplifier ce phénomène. Pour le meilleur ou pour le pire ? Finalement, aborder la question de la 5G seulement sous le prisme scientifique n’est pas suffisant. C’est ce que souligne aussi J. Ellul : “Apprendre à 500.000 jeunes [...] à utiliser des ordinateurs ne fera que les enfoncer davantage dans le système, en leur enlevant davantage de pouvoir critique et de compréhension globale.” [Le Bluff technologique]. Articuler ensemble le Comment et le Pourquoi permet de prendre du recul en donnant du sens et en approfondissant la connaissance de notre nature humaine. En somme, pour aborder la 5G, ne faudrait-il pas revenir aux sources des premiers savants, qui étaient à la fois scientifiques, philosophes et artistes ?