Hypathie d’Alexandrie
Une savante à la mort tragique
Les femmes sont trop peu présentes dans l’histoire de la philosophie. Non qu’aucune n’ait existé, mais elles ont été oubliées. Je me dois donc, en tant que femme et étudiante en philosophie, de restituer ces savantes dans l’histoire et de vous les présenter. Ce mois-ci, nous allons nous intéresser à Hypatie d’Alexandrie : philosophe, mathématicienne, et égérie.
Hypathie d’Alexandrie par Maya Scotton
Qui est Hypatie ?
Hypatie d’Alexandrie est née à Alexandrie, en Egypte, autour de l’an 360 de notre ère, vers la fin de l’antiquité. Elle est la fille de Théon d’Alexandrie, philosophe, astronome, mathématicien et éditeur. Son éducation lui a d’abord été donnée par son père, puis par Asclépigénie, professeur de philosophie à Athènes. De retour à Alexandrie, elle commence à enseigner à l’école néo-platonicienne, puis est nommée directrice. L'enseignement d’Hypatie d’Alexandrie ne se limite pas à son cercle philosophique, mais s'étend à la vie publique d'Alexandrie et aux autres régions de l'empire romain d'orient. Son disciple Synésios de Cyrène la situe dans la tradition de Plotin et de Porphyre. De nombreux historiens insistent sur le fait qu’elle reste vierge toute sa vie, ne voulant pas et ne cherchant pas l’amour d’un homme.
Une femme savante
On attribue à Hypatie la rédaction de commentaires d’œuvres de grands mathématiciens comme l’Arithmétique de Diophante (redécouvert au XIXe siècle), contenant plus de cent problèmes mathématiques, ou le Traité des coniques d’Apollonius, où elle propose une explication détaillée des concepts d’ellipse, de parabole et d’hyperbole. Elle écrit un « canon astronomique », malheureusement perdu, qui est un ensemble de tables décrivant les mouvements célestes. Ainsi qu’en témoignent les ouvrages et lettres de son disciple Synésios de Cyrène, elle construit des astrolabes planisphériques, instruments utilisés pour calculer l’heure et la date, ainsi que des hydroscopes, servant à déterminer la densité d’un liquide.
Une mort tragique
À cette époque, l'empire romain dégringole et l’Egypte est un vrai capharnaüm. Les chrétiens veulent étendre leur pouvoir et interdisent la pratique d'autres cultes. En l’an 412, l’évêque Cyrille d’Alexandrie entre au pouvoir. L’école néo-platonicienne, comme tout ce qui n’est pas converti au christianisme, suscite immédiatement la méfiance de l’évêque. Oreste, préfet d’Alexandrie, entre en conflit avec Cyrille, mais certains chrétiens, ayant un grand poids politique, obligent les deux hommes à signer une trêve. Hypatie d’Alexandrie est alors accusée d’empêcher la réconciliation entre Oreste et Cyrille, ce qui entraine son assassinat. Le 8 mars 415, elle meurt lapidée par des hommes de mains de Cyrille. Son corps mutilé et démembré par la populace chrétienne, fut trainé à travers la ville puis brulé.
Hypatie, une égérie
Redécouverte à la Renaissance, Hypatie d’Alexandrie est devenue une inspiration pour les arts. Représentée par Raphael dans l’Ecole d’Athènes, référence pour Proust dans Du coté de chez Swan ou dans A l’ombre des jeunes filles en fleur, symbole féminin du mouvement néo- helléniste (qui reprend les valeurs de la Grèce antique), on la retrouve aujourd’hui, dans notre culture contemporaine, comme dans le film Agora d’Alejandro Amenabar ou dans la série The Good Place. Dans le monde intellectuel aussi, Hypatie D’Alexandrie est une égérie. Elle est présentée dans l’Encyclopédie ou dans le Dictionnaire Philosophique de Voltaire. Devenue symbole de martyr pour les chrétiens au Moyen-Age, elle est utilisée plus tard par John Toland, dans son pamphlet anticatholique intitulé Tetradymus, comme représentation de l’intolérance religieuse. Hypatie est aussi une inspiration pour la féministe et écrivaine Dora Russell, qui place son décès tragique au rang des symboles d’actes antiféministes, et qui la représente comme une femme moderne et intelligente. Hypatie reste dans les mémoires comme une femme brillante, vertueuse, d’une grande sagesse, admirée par ses contemporains, qui a réussi à se maintenir dans l’histoire alors que celle-ci voulait l’en éloigner.