Cookie-> Lemon-> Cookie
#DébattonsMieux
Dans nos relations les uns envers les autres, la critique joue un rôle important. Ce n’est en général pas très satisfaisant de recevoir des critiques (négatives s’entend), mais c’est très facile et parfois assez plaisant d’en distribuer. De plus, c’est souvent par les critiques extérieures que nous prenons conscience de nos défauts et erreurs, et entreprenons alors de nous améliorer. L’enjeu est donc de taille. Il s’agit quand on émet des critiques de ne pas blesser autrui inutilement, de l’aider à s’améliorer, et de veiller nous-mêmes à ne pas critiquer gratuitement, juste pour le plaisir de critiquer. L’excellente vidéo de Lê Nguyên Hoang Critiquer avec efficacité (elle-même inspirée de la vidéo de Julia Galef How to Criticise Someone) nous livre une technique très efficace pour parvenir à ces objectifs. La technique s’appelle Cookie -> Lemon -> Cookie.
Cookie
Un cookie, vous en conviendrez, c’est délicieux. Tout le monde aime les cookies. On ne manque jamais de faire plaisir à quelqu’un quand on lui offre un cookie. Et si on fait ça, si on donne un cookie à quelqu’un et que ça lui fait plaisir, ce quelqu’un sera probablement dans de bonnes dispositions en ce qui concerne celui ou celle qui lui aura offert ce cookie. On peut s’attendre à un sourire, à un merci chaleureux, à une demande en mariage, etc. Ces bonnes dispositions, nous disent Lê et Julia, sont une des conditions d’une critique constructive, utile et pas blessante pour qui la reçoit. Mais comme nous ne pouvons toujours avoir sur nous des cookies, et que certaines personnes hélas sont allergiques au gluten ou à la cannelle, il faut un substitut. Ce substitut, c’est l’inverse de la critique : le compliment. Le compliment fonctionne exactement comme le cookie en ce qui concerne les dispositions d’autrui à notre égard. Ce qui est formidable, c’est qu’un compliment est beaucoup plus facile à produire qu’un cookie ! On a même pas besoin de penser ce qu’on dit, mais juste de le dire avec un minimum de conviction dans la voix (ou dans le style si on est à l’écrit). L’important, c’est de préparer le terrain pour ce qui va suivre.
Lemon
Le citron (lemon en anglais), vous en conviendrez, c’est très acide. Personne n’aime quand c’est trop acide. Vous gâcherez toute préparation culinaire en en mettant trop, et les convives seront déçus. Mais comme nous le disions, beaucoup de nos relations passent par la critique. Si la critique c’est le citron, nous devons tous faire avec. « Quand la vie vous donne des citrons, faites de la citronnade », écrivait l’anarchiste chrétien Elbert G. Hubbard. Quand nous recevons la critique, sachons en faire quelque chose d’utile pour nous et pour les autres. Ce n’est pas agréable, mais ça peut être la composante nécessaire d’un plus grand bien. Dans ces moments, n’oublions pas tout le sucre, tous les adoucissants autour de nous. Nous ne sommes pas parfaits (ça c’est le citron), c’est sûr, mais aucun d’entre nous n’est nul (ça c’est le cookie), c’est sûr aussi. Et voilà pourquoi, quand nous critiquons les autres il est important d’offrir des cookies. Si nous offrons des compliments, notre critique sera mieux reçue, mieux acceptée et mieux traitée par l’autre.
Cookie
C’est vraiment très important de complimenter abondamment quelqu’un qu’on critique. Notre esprit est ainsi fait que les éléments de la vie vécus négativement ont un plus fort impact sur nous que des éléments positifs de même ampleur. Il faut donc en quelque sorte submerger notre interlocuteur de bons sentiments pour éviter que son expérience soit négative et que la critique nuise. Pour cela, rajouter une couche de cookie quand on a fini de dire ce qui n’allait pas est très efficace. Mais quand nous n’en faisons pas consciemment l’expérience, il est très difficile de se souvenir de ce genre de règles de la psychologie humaine, car c’est très implicite et naturel en nous. Le plus efficace est donc de systématiser la pratique du Cookie -> Lemon -> Cookie par l’habitude. Les habitudes, c’est toujours difficile à mettre en place, mais plus grand monde n’ignore que les défis qui se présentent au monde des toutes prochaines années vont requérir de grands changements dans nos comportements en général. La puissance de l’habitude, quoique coûteuse, sera une puissante arme dans notre lutte pour un monde futur pas trop pourri.
Sauf qu’en fait personne n’a très faim
Lê Nguyên Hoang et Julia Galef ne pensent pourtant pas que le meilleur conseil qu’on puisse donner au sujet de la critique d’autrui soit de suivre la stratégie Cookie -> Lemon -> Cookie. Non, la meilleure chose à faire, le plus souvent, sera de nous abstenir. Il faut penser à plusieurs choses, quand on s’apprête à émettre des critiques. Premièrement, si nous avons envie d’émettre une critique, c’est bien souvent parce que quelque chose nous a déplu. Et si quelque chose nous a déplu, nous ne sommes probablement pas nous-mêmes dans des dispositions très bonnes en ce qui concerne la ou les personnes responsables de ce qui nous a déplu. Nous ne serons donc probablement pas aptes à suivre la règle qui demande qu’on fasse des compliments à ces personnes. Si nous n’en sommes pas aptes, la critique a alors toutes les chances de nuire plutôt que de profiter à ses destinataires. Autant l’éviter, donc. Ensuite, si on a envie d’émettre une critique, alors il est probable que beaucoup d’autres ont également envie d’émettre la même critique, et ne vont pas s’en priver. Alors, plutôt que d'accabler notre destinataire de critiques qu’il a certainement déjà entendues, abstenons-nous. Enfin, toute critique reste difficile à entendre, et même des tonnes de cookies peuvent ne pas suffire à faire passer le goût du citron. C’est le signe d’une grande sagesse de savoir faire de la citronnade avec des citrons, mais on ne peut exiger ni même attendre cette sagesse de personne en particulier. Nul n’est à ce point sage qu’il sait en toute circonstance extraire le conseil derrière le reproche. Alors dans le doute, gardons la ligne, et évitons de nous gaver les uns les autres de cookies et de citrons.